DECISION DE LA COUR DE JUSTICE DE LA CEDEAO SUR LA RESPONSABILITÉ ALLÉGUÉE DU MALI DANS UNE AFFAIRE DE DÉMOLITION DE VILLAGE LE 30 JANVIER 2024

La Cour de Justice de la CEDEAO rendra sa décision le 30 janvier 2024 dans une affaire soumise par des villageois dont le hameau a été démoli par erreur par un huissier qui exécutait une ordonnance d’une cour d’appel de la République du Mali.

Selon Feu Djegui Djanka et 102 personnes du hameau « Toukamakan », l’incident s’est produit à la suite d’un conflit foncier coutumier entre M. Makan Baradji et M. Diatourou Konté, ainsi que sept autres personnes. Ils affirment que les requêtes de M. Baradji ont été successivement rejetées par le tribunal de paix (première instance) de Bafoulabe, la Cour d’appel de Kayes et la Cour suprême du Mali. En conséquence, M. Konté a obtenu un arrêté d’expulsion contre M. Baradji, comprenant un ordre de démolition des constructions sur le terrain litigieux. Pour faire exécuter la décision, il a retenu les services de M. Amady Diallo, huissier de justice.

Dans la requête ECW/CCJ/APP/11/17, les requérants ont affirmé que leur hameau « Toukamakan » a été détruit en lieu et place du hameau litigieux « Diamandi », situé six kilomètres plus loin. Les infrastructures affectées incluaient 56 maisons, une école, une mosquée et diverses structures publiques estimées à 707 705 421 francs CFA.

Bien qu’ils aient porté cette violation des droits humains à l’attention de diverses autorités maliennes, dont le Président de la République et le Ministre de la Justice, les 103 requérants ont affirmé que ces plaintes ont été ignorées. En conséquence, ils ont saisi la Cour de la CEDEAO pour la violation par l’État malien de leurs droits à la propriété, à l’alimentation, à la santé et à l’éducation, ainsi que le déni de leur droit à l’égalité devant la loi et à la protection de l’État.

Ils demandent à la Cour d’ordonner au Défendeur la cessation desdites violations ainsi que le versement de la somme de 100 000 000 de francs CFA à chacun d’eux.

Dans sa réponse, la République du Mali a soutenu que la requête violait l’article 35 du Protocole additionnel de la Cour en raison du manque d’adresse correcte et du manque de capacité juridique de 53 des demandeurs, qui étaient encore mineurs au moment du dépôt. Ils ont également remis en question le mandat de l’avocat des requérants, Maître Mariam Diawara, compte tenu du décès du premier requérant avant le début de la procédure judiciaire.

La République du Mali a en outre rappelé que l’affaire avait été préalablement soumise à la justice malienne par deux avocats, dont Maître Mariam Diawara, avant d’être transmise à la Cour de Justice de la CEDEAO. Dans le cadre de l’enquête en cours au Mali, l’huissier mis en cause, Maître Amady Diallo, a été inculpé. Le défendeur a donc exprimé sa préoccupation quant au risque de conflit de compétences entre juridiction nationale et supranationale si la Cour entretenait la requête.

L’État défendeur a également nié toute responsabilité, soulignant qu’un huissier mandaté par l’État n’était pas un agent de l’État et a exhorté la Cour à exonérer l’État du Mali des répercussions des actes de Maître Diallo. Il a souligné l’indépendance professionnelle des huissiers, donnant pour preuve leur obligation de souscrire à des polices d’assurance individuelles et professionnelles pour couvrir leurs responsabilités comme dans le cas de cette erreur.

En conséquence, l’État malien a demandé à la Cour de déclarer la requête irrecevable, de la rejeter et de condamner les requérants aux dépens.

L’affaire est entendue par un panel de composé des juges Gberi-bè Ouattara, président, Sengu Mohamed Koroma et Ricardo Cláudio Monteiro Gonçalves.