DÉCISION DE LA COUR DANS L’AFFAIRE IBRAHIMA KASSORY ET AUTRES CONTRE LA RÉPUBLIQUE DE GUINÉE

La Cour de Justice de la CEDEAO a, le lundi 16 octobre 2023, rendu sa décision dans l’affaire Ibrahima Kassory Fofana et deux (2) autres qui ont assigné la République de Guinée devant elle pour violation de leurs droits de l’homme.

En effet, à la suite du coup d’Etat militaire intervenu le 5 septembre 2021 en Guinée, les requérants à savoir Ibrahima Kassory Fofana, Économiste, ancien Premier Ministre de la République de Guinée, Mohamed Diane Enseignant, ancien Ministre de la Défense nationale et Oye Guilavogui Administrateur civil, ancien Ministre de l’environnement, des Eaux et Forêts sous l’ancien régime ont été interpellés dans le cadre d’une enquête ouverte contre eux pour détournement de deniers publics, corruption, blanchiment de capitaux, enrichissement illicite et ont été incarcérés à la maison d’arrêt de Coronthie à Conakry. 

Ils estiment que leur arrestation et leur détention sont arbitraires et que le défendeur a violé leur droit à la liberté d’aller et venir, leur droit à l’égalité des citoyens devant la loi, leur droit à la présomption d’innocence, leur droit d’être jugés dans un délai raisonnable et en concluent que leur droit à un procès équitable a été violé par le défendeur.

 Le défendeur réfute les allégations des requérants et sollicite qu’ils soient déboutés de toutes leurs demandes qu’il estime mal fondées.

Par sa décision du 16 octobre 2023, la Cour, après avoir retenu sa compétence pour connaître du litige, a jugé que le défendeur n’a pas violé le droit à l’égalité des citoyens devant la loi expliquant que les requérants n’ont pas fait la démonstration de cette violation qu’ils imputent au défendeur.

La Cour a ensuite jugé que le défendeur n’a pas violé le droit des requérants à être jugés dans un délai raisonnable en ce sens que la durée de traitement de la procédure est le résultat de l’usage par les parties des règles de procédure. 

La Cour a également dit que le défendeur n’a pas violé le droit des requérants à ne pas être arrêté arbitrairement. En revanche, elle a dit que l’état de Guinée a violé le droit des requérants à la liberté d’aller et venir arguant que la mesure d’interdiction de sortie du territoire guinéen prise à l’encontre des requérants, caractérisée par le retrait et la confiscation de leurs passeports est sans base légale.

De même, elle a déclaré que la Guinée a violé leur droit à ne pas être détenu arbitrairement, estimant que la détention des requérants n’étant plus nécessaires surtout qu’ils ont démontré qu’ils offrent des garanties suffisantes de représentation en répondant librement aux convocations des enquêteurs pendant tous les deux mois qu’a duré l’enquête préliminaire.

En outre, elle a déclaré que l’état défendeur a violé leur droit à la présomption d’innocence lorsque que par exemple le Procureur spécial, l’agent du défendeur s’est livré à des déclarations à la radio nationale concernant les inculpés. La Cour relève qu’en matière d’instruction préparatoire, et d’une manière générale en procédure répressive, le secret de l’instruction ne permet pas aux autorités qui concourent à l’instruction de se livrer à ce genre de déclarations pour respecter la présomption d’innocence des inculpés.

Par ailleurs, elle a déclaré recevable et bien fondée la demande en paiement de dommages et intérêts des requérants et dit cependant qu’elle est exagérée dans son quantum.  Elle l’a condamné à payer à chacun d’eux la somme de dix mille (10 000) Dollars US.

Enfin, elle a ordonné au défendeur la mise en liberté immédiate et sans condition de tous les requérants.

La formation de juges ayant connu de l’affaire est composée de Gberi-Bè Ouattara, président, Dupe Atoki, membre et Ricardo Claudio Monteiro Gonçalves, membre.