La Cour condamne la Gambie à verser 200 000 USD de dommages-intérêts à l’ancien Président de la Cour suprême pour son limogeage illégal et son incarcération

Le mercredi 27 février 2019, la Cour de la CEDEAO a condamné la République de Gambie à verser 200 000 dollars de «dommages-intérêts nominaux» à son ancien président de Cour Suprême, le juge Joseph Wowo, pour la violation de son droit à un procès équitable, une incarcération illégale et sa révocation sur des allégations de corruption, de fausses informations et d’abus de pouvoir.  

Un panel de juges de la Cour, composé de trois membres et présidé par l’honorable juge Edward Amoako Asante, a ordonné que 150 000 dollars de ce montant ou son équivalent en dalasi soient versés à l’ancien juge en chef à titre de restauration tenant compte des prétentions du demandeur à l’incapacité d’obtenir un emploi et à cause du temps passé en prison après avoir été jugé et condamné à tort, bien qu’il ait été libéré par la suite.  

Le solde, soit 50 000 dollars, sera versé au demandeur à titre de frais juridiques, car il «ne travaillait plus après son limogeage et était contraint de faire face aux obligations financières de son avocat».  La Cour a également imputé à la Gambie des dépens, en vertu de l’article 66 du règlement de procédure de la Cour.

La Cour a jugé que le procès du demandeur par un juge qui subissait lui-même un procès pour corruption devant le Président de la Cour Suprême constituait une violation de son droit à un procès équitable. La Cour a également conclu que les actes de la défenderesse relatifs à la révocation du plaignant, à son procès et à sa condamnation manquaient d’indépendance, étaient incompatibles avec la procédure régulière, contraires à la justice naturelle et constituaient de ce fait une violation flagrante du plaignant à un droit à un procès équitable.  

Dans l’affaire n ° ECW/CCJ/APP/06/18, le juge Wowo, un Nigérian exerçant les fonctions de président de la Cour suprême sous l’ancien président Yahaya Jammeh, a poursuivi le président en justice pour violation présumée de ses droits légitimes consacrés dans la Charte africaine, articles 6 et 7 du la Déclaration universelle des droits de l’homme et l’article 24 de la Constitution gambienne de 1997.  Il a affirmé que, du fait de sa nationalité, la plupart des membres du barreau gambien avaient fait preuve de discrimination dans la mesure où la présidente du barreau de l’époque, Mme Ubna Farage, et le Ministre de la Justice, Ms. Amie Joof, à un moment donné en 2013, ont formulé des allégations de corruption frivoles à son encontre, qui ont conduit à sa destitution sans enquête préalable.  

L’ancien Président de la Cour Suprême, qui avait demandé à la Cour 20 millions de dollars de dommages et intérêts, a déclaré qu’il avait contesté son renvoi par l’intermédiaire de l’autorité de sécurité, qui avait ouvert une enquête sur l’affaire et dont l’issue n’avait pas été annoncée.  En conséquence, il a convoqué une conférence de presse au cours de laquelle il a nié les allégations de corruption à son encontre et a noté que le président de l’époque avait commis une erreur en le destituant de ses fonctions sans procédure régulière. 

En réaction, il a allégué que le président de l’époque avait perçu son action comme un affront à son autorité et avait publiquement menacé de le faire incarcérer. Il avait par la suite demandé au Ministre de la Justice de l’époque de déposer une plainte futile contre lui, alléguant un abus de pouvoir et la diffusion de fausses informations.  

À cet égard, le demandeur a déclaré avoir écrit une lettre à la National Intelligence Agency (NIA), qui avait enquêté sur cette allégation et l’avait exonéré et étonnamment même l’avait félicité, tandis que deux autres inculpés dans le rapport n’avaient jamais été inculpés. 

Il a affirmé que pendant le procès, son conseil avait déposé une requête demandant instamment au juge du procès de se récuser, car il était lui-même jugé devant le demandeur pour corruption, une requête délibérément ignorée par le juge du procès. Il a allégué que le juge du procès avait également ignoré tous les documents et témoignages des témoins. Il avait plutôt été reconnu coupable et condamné à une peine de deux ans d’emprisonnement jusqu’à sa libération, sous la pression des gouvernements du Nigéria et des États-Unis.  

Le plaignant a donc demandé à la Cour de Justice de la CEDEAO de déclarer que son procès devant un juge qui faisait l’objet d’une plainte pour corruption était une violation de ses droits humains et pour que le gouvernement lui paye 20 millions de dollars (20 millions de dollars) de dommages et intérêts et six pour cent d’intérêt par an pour violation des droits de l’homme, entre autres.  

La défenderesse a toutefois nié les allégations du demandeur et a affirmé que le président avait été démis de ses fonctions par le président Jameh, en consultation avec la Commission du service judiciaire, à l’issue d’une enquête et des délibérations prévues dans le cadre de la requête.  

Les autres juges du panel sont les juges Gberi-be Quattara et Keikura Bangura